Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
l'arbre à livres
4 août 2010

Mathématiques d’un itinéraire presque ordinaire

Mathématiques d’un itinéraire presque ordinaire

 Henri . G

(…) tout simplement à l’occasion d’un licenciement pour raisons économiques, j’ai mis à profit cette période pour passer ma thèse d’ingénieur au CNAM, j’avais alors 39 ans. Lorsque quelques mois plus tard j’ai retrouvé un emploi, j’ai dû mener de front et mon travail et mes études en cours du soir, sans oublier ma vie de famille, mes deux enfants. Mon temps de sommeil était très court, mon timing était des plus serrés, mais j’avais la motivation de faire quelque chose de bien. J’ai réussi. L’époque était différente, on avait quelque chose à proposer, on y croyait, mais aujourd’hui …

 ( … ) Ce que je vais exprimer ici n’est pas du tout évident pour moi, car je ne suis pas à proprement parler quelqu’un de très démonstratif. Et s’il est un sujet que j’ai pris bien soin d’éviter toute mon existence, c’est certainement celui-là. Sujet tabou par excellence, s’il en est. Un jour alors que j’avais 14 ans, en fin d’après-midi tandis que je rentrais de l’école, j’ai décelé arrivant devant la porte de chez nous, une odeur, une très forte odeur de gaz. Je me suis d’abord dit que c’était peut-être moi qui avais oublié d’éteindre la cuisinière avant de partir le matin pour le collège. J’ai eu un instant de panique en pensant précisément aux conséquences d’une telle étourderie, et dans le même temps tandis que je tournais ma clé dans la serrure, mes parents n’étant pas encore rentrés du travail, je me dis que j’allais pouvoir aérer et faire le nécessaire pour éviter la punition certainement bien méritée. Croyez-moi, j’aurais vraiment échangé ce que je devais découvrir quelques secondes plus tard contre toutes les punitions du monde. Je suffoquais instantanément en entrant dans la maison, j'appliquais mon mouchoir sur ma bouche et mon nez et continuais d'avancer. Mon père était dans la cuisine, disparaissant le torse entier dans le four de la gazinière. Je le dégageais, mais il était déjà mort. Avant de me précipiter chez les voisins réclamer de l’aide, j’eus le réflexe d’ouvrir toutes les fenêtres de la maison en grand, et cela va peut-être sembler absurde, mais je me souviens qu'il faisait beau dehors, un soleil magnifique. Je crois bien que c'est à cet instant que je me suis mis à pleurer. 

( … ) Je ne pense pas que quiconque puisse sortir indemne d’une telle découverte, voyez-vous. Mes proches ont été épargnés, je n’ai jamais voulu embêter personne avec cette histoire, et même si j’ai intériorisé ce drame, même si j'ai maintenant conscience que cela a au fond structuré toute ma vie ma personnalité, il me semble qu'après ce silence de bientôt 60 années il est important de saisir aujourd'hui cette occasion pour l’écrire. 

Le plus difficile, voyez-vous ( … )

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
l'arbre à livres
Publicité
Archives
Publicité